Fils d’agriculteur, Hans Hürlimann voit le jour en 1901 à Kirchberg, près de Saint-Gall. Avec ses neuf frères et sœurs, il grandit au milieu de l’exploitation familiale, mais le plus souvent, on le retrouve vers la gare où il admire les mécaniciens occupés à graisser les machines à vapeur. Particulièrement attiré par la mécanique, il intègre à l’âge de 18 ans la fabrique de machines August Hoegger, à Wil. Il est formé à la profession d’ouvrier-outilleur mais, dès 1926, il devient chef des ventes et assure la direction de la société à la mort de son employeur.
Hans Hürlimann (1901-1977) fut un commerçant avisé doublé d’un technicien hors pair.
A force de visiter ses clients du monde agricole, il prend conscience qu’il n’existe pas de modèle de tracteur bien adapté aux besoins du pays. En janvier 1929, Hans Hürlimann décide de lancer les projets qu’il avait élaborés durant de longues journées de travail. Les deux premiers tracteurs voient le jour en août 1929 et, grâce à l’appui de ses parents, le jeune entrepreneur peut envisager le montage d’une petite série au début 1930, en pleine crise économique mondiale.
Tracteur 1K8 de 1929. C’est le premier tracteur équipé d’une faucheuse latérale de marque Aebi.
Ses tracteurs sont équipés du monocylindre français Bernard de 8 ch, refroidi par eau. Pour répondre aux besoins des paysans suisses, Hürlimann a conçu une faucheuse mécanique, capable de travailler sur des terrains pentus et difficiles d’accès. La production artisanale permit la vente d’une centaine d’exemplaires. Quatre des frères de Hans Hürlimann se joindront aux 15 ouvriers du hall de montage, pour faire face aux commandes qui décollent rapidement.
Cette publicité du plus important agent suisse de la marque présente un 18 ch, 4 cylindres comme « le plus beau tracteur du moment, spécialement construit pour les conditions suisses ! ».
Un modèle plus puissant apparaît en mars 1931. Le 4T18 est motorisé par le nouveau 4 cylindres Zürcher dans sa version « gonflée » à 26 ch. Différents ateliers s’installèrent à proximité de celui d’Hürlimann, produisant des pièces et outils pour ses tracteurs et lui permettant d’abaisser les coûts de production. Un petit tracteur faucheur d‘environ 700 kg vit le jour fin 1931. Un an plus tard, deux nouveaux modèles sont lancés, le 4T35 (moteur 4 cylindres Zürcher) et le 2 KT16 (2 cylindres). En complément des modèles agricoles, les premiers tracteurs industriels apparaissent en 1933 et seront en usage souvent jusqu’aux années 1970. Les roues montées en pneumatiques basse pression succèderont aux bandages caoutchoutés et s’avèreront les plus aptes pour la grande série.
En 1932, le tracteur 4T 35 avec moteur 4 cylindres Zürcher à essence (35 ch) est monté avec les roues arrière en fer, équipées du brevet Hürlimann de patins en caoutchouc.
Offrant plus de puissance que le précédent modèle 1K8, le 1k10 (10 ch) reçut la monte Michelin en série jusqu’à la fin de production en 1937.
En 1935, le motoriste Ernst Zürcher disparait. Hans Hürlimann prend alors la décision de fabriquer lui-même ses moteurs. Ariste Liengme, l’ingénieur en chef du motoriste, fut alors intégré à l’équipe de Wil. Le premier moteur « maison » (2 cylindres, 20 ch type 2B 100) fut suivi du 4 cylindres de 40 ch (4B 100) tous deux disponibles dès 1937.
Une nouvelle usine voit le jour entre 1937 et 1939, à deux pas de la gare de Wil, comprenant halls de montage, habitations, bureaux. L’équipement de machines-outils devait permettre à une centaine d’ouvriers de travailler en 3 x 8 heures. Parallèlement, le constructeur développait un 6 cylindres à essence/pétrole (6B 100) d’une puissance de 60 ch. Ce moteur servit à développer un tracteur à chenilles pour les stations de sport d’hiver. L’engin devait emmener les touristes sur les pistes et pouvoir être équipé d’une fraise à neige, mais l’aventure ne connut pas de développements.
La nouveauté de l’année 1938, le 4T 42, dispose d’une boîte de vitesses avec levier latéral à 5 rapports.
Au début de la guerre, le constructeur présente une première mondiale : le premier moteur diesel avec injection directe à licence Saurer : le 4 DT 45, un robuste 45 ch. Même durant le conflit, Hürlimann réussit à développer l’exportation vers la Turquie, à mettre au point de nouveaux pneumatiques (malgré la pénurie de matières carburant et caoutchouc) et des tracteurs fonctionnant au gazogène.
Au milieu de la Seconde Guerre mondiale, apparut le tracteur 4 DT 70, équipé de freins hydrauliques sur les quatre roues. Ici une version militaire en terrain difficile.
A compter de 1946, l’appellation des modèles débute par la lettre D. « Celui qui calcule bien achète aujourd’hui un diesel ! » Effectivement, ce modèle fit le tour du monde et fut largement exporté.
Utilisé comme tracteur d’artillerie pour l’infanterie, la protection aérienne ou sanitaire dans l’armée suisse, le D 200 4 x 2 recevait un moteur 4 cylindres de 4021 cm3 et 45 ch. L’armée en utilisa 121 exemplaires entre 1948 et 1952.
De 1946 à 1949, la fabrique fut considérablement agrandie pour accueillir les nouveaux tracteurs D 100, D 200, D 400, et le tracteur industriel D 300. Hürlimann investît aussi dans des bancs d’essais moteurs, des machines-outils et ateliers de réparations… Le D 800, qui affiche 95 ch est apparu en 1963. Il était destiné aux pays avec de grandes exploitations (le contraire de la Suisse). Treize exemplaires seulement furent commercialisés en quatre années.
Apparu en 1952, le H 12 était un des rares tracteurs européens à recevoir un moteur 4 temps à essence. Ce 4 cylindres de 2837 cm3 développait 30 ch.
Le tracteur industriel D 500 avec cabine disposait souvent d’un double treuil placé à l’arrière, permettant au conducteur de charrier seul des grumes sur une remorque.
Avec le D 800, Hürlimann atteignait la dimension américaine : 4 cylindres, 10 vitesses avant et deux arrière, 94 ch et 6124 cm3. Le succès ne fut pas au rendez-vous : 24 exemplaires vendus de 1964 à 1967.
De même, à l’aune des années 1970, le marché des gros tracteurs routiers -des monstres de 150 ch et plus de 9 litres de cylindrée- appartenait au passé. La concurrence étrangère était aussi présente et rendait la vie difficile pour la firme de Wil. Les pertes assombrissaient l’horizon et le marché suisse ne suffisait plus à la survie de Hürlimann. L’importation et la distribution des tracteurs Lamborghini dans son réseau lui donnaient encore une raison d’exister, mais les modèles Hürlimann allaient devenir des copies (vert olive puis gris métallisé) des modèles italiens.
Photographié devant la maison natale et propriété de Hans Hürlimann, ce D 180/D 310 (1973-1975) et sa tonne à eau Agrar a fière allure.
En 1973, Same rachète à Ferruccio Lamborghini la division Trattori SpA et s’empare, six ans plus tard, de la totalité des actions Hürlimann, auprès de Hans Hürlimann Jr et de son frère. Entre temps, en 1975, Hürlimann était devenu concessionnaire des tracteurs Lamborghini en Suisse. Hans Hürlimann est quant à lui décédé en 1977.
A la même époque, Hürlimann développe avec Saurer, situé à Arbon, un nouveau moteur refroidi par eau, installé dès l’année suivante dans les séries H, destinées à l’exportation.
En 1983, la production de tracteurs s’arrête définitivement à Wil. La raison sociale du groupe devint SLH (Same-Lamborghini-Hürlimann). En 1995, SLH fait l’acquisition de la division machines agricoles de Klöckner-Humboldt-Deutz AG (KHD) et se transforma en SDF (Same-Deutz-Fahr). Aujourd’hui, les Hürlimann sont construits dans l’usine Same de Treviglio (Italie) dans l’usine Deutz-Fahr de Lauingen (Allemagne). La marque reste diffusée juste dans quelques pays où elle était historiquement bien implantée.
Un Hürlimann sur le stand du groupe SDF au salon allemand Agritechnica. Aujourd’hui, la marque n’est plus diffusée qu’en Suisse, au Portugal et en Autriche.